Сказки солнечной Гваделупы

Солнечная Гваделупа — тоже часть Франции. Под обложкой книги «Grand-Père Chabri raconte» Sylvaine Telchid собрала креольские сказки. Эти любопытные истории наполнены магией, таинственными персонажами, оборотнями и магическими обрядами. Вот одна из них:

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C’était an Tan Soren

Tan Soren! Temps béni pour les uns, honni par tant d’autres.

Le Gouverneur Sorin envoyé en Guadeloupe sous le gouvernement de Vichy, faisait la pluie et le beau temps dans l’île. Pour beaucoup, la misère était grande parce que les denrées ne venaient plus de l’extérieur, mais aussi à cause du rationnement et du manque d’argent.

Cependant, et comme cela s’est toujours fait de par le monde dans les périodes difficiles, le marché noir régnait en maître ici-dans.

Ainsi, parce qu’elle avait de l’argent, telle personne bien placée dans la société guadeloupéenne bénéficiait de rations beaucoup plus importantes que telle autre de condition modeste, mais ayant à charge une famille bien plus nombreuse.

Monsieur Servais depuis bien longtemps s’était rendu compte que filons, passe-droits, injustices étaient les maîtres-mots de cette Guadeloupe de la deuxième guerre.

Sa petite case, un quatre-pièces, abritait douze personnes c’est-à-dire sa femme, lui, leurs sept enfants, deux grands-mères et un grand-oncle.

Les jours de grosse chaleur, tous profitaient de l’ombre et de la fraîcheur d’un immense arbre-à-pain planté au milieu de la cour. Véritable manman-zanfan, il assurait la nourriture quotidienne de la maisonnée: pendant presque toute l’année, il n’arrêtait pas de leur offrir ses magnifiques fruits-à-pain.

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Mais Servais et tous ceux qui vivaient chez lui en avaient assez de manger des fruits-à-pain,du lever du pipirite à la brune du soir: migan de fouyapen, kolonbo de fouyapen, fouyapen en tranches, fouyapen rôti et sans chair! Normal, avec un salaire de misère comme celui de Servais. Le seul pour toute la famille!

Souvent, les parents de Servais lui parlaient de la graine de bambou qui apporte la richesse à ceux qui arrivent à la trouver.

Cette graine, lui disait-ils, naît un jour de pleine lune, à minuit. Quel jour? Ils l’ignoraient. Ils pensaient qu’il suffisait d’avoir la patience de l’attendre.

La graine de bambou! Servais avait appris que chacun de ces arbres en donnait une seule sa vie entière. Il l’aurait! La guerre ne semblait pas vouloir se terminer , mais ses enfants mangeraient autre chose que ces fruits-à-pain qui provoquaient ballonnements et gaz intestinaux. Ses enfants ne se nourriraient pas de chiens ou de rats comme semblait-il cela se passait déjà dans des familles où la misère était plus noire que goudron. Non! Lui, Servais, il ferait connaître aux siens l’opulence de tous ces gros tchaps qui avaient de l’argent et qui pouvaient se permettre de tout se payer en ces temps de restriction.

Il parla de ses projets à Cyprienne, sa femme, et toutes les nuits de pleine lune, dès onze heures, il se postait à proximité d’une touffe de bambous qui avait poussé près de la rivière Moustique.

Cela durait depuis déjà six mois.

«Patience! pensait-il pour se donner du courage. Mon père dit toujours qu’avec de la patience on arrive à repérer les mamelles d’une fourmi».

Il ne désarmait donc pas.

Ce soir là, Servais attendait comme d’habitude.La fraîcheur de la nuit, la fatigue de la journée, le doux grelot des roches-galettes chouboulées par l’eau, tout cela avait eu raison de lui.

Il s’était endormi doucement dans l’herbe humide de serein.

Un craquement se fit, semblable à celui de dizaines de branches d’arbres se cassant toutes en même temps. Il ouvrit les yeux. Il sentit que ce bruit venait des bambous qui étaient à un mètre de lui. Servais se releva d’un bond et s’approcha.

Sortant du même endroit, des plaintes sourdes s’ajoutèrent soudain au craquement. C’était les geignements d’une femme en mal d’enfance. Servais resta immobile attendant la suite des événements. Ces phénomènes restaient pour lui tout à fait normaux, ses parents l’ayant prévenu.

Mais voilà que craquement et plaintes se fondent en hurlements qui laissent notre homme interloqué, car ceci n’avait pas du tout été prévu au programme. Hurlements perçant l’air, agressant la quiétude environnante, se répercutant d’arbre en arbre, de pierre en pierre, bouleversant les douces ondulations de la rivière, résonnant en stridulations aux oreilles de Servais qui n’a plus qu’une hâte, quitter les lieux.

Alors qu’il allait rebrousser chemin, tous les bambous, comme un seul homme, sortirent de leur emplacement et se mirent, toujours en hurlant, à danser autour de lui une folle sarabande. Ensuite, quatre couples de bambous sortirent du cercle. Les clameurs laissèrent la place à un air de quadrille au commandement.

Servais, les yeux hors de la tête, suivait les évolutions des danseurs qui tour à tour s’enlaçaient, puis se lâchaient, courbaient la taille pour ensuite la redresser, marquaient la cadence avec une grâce sans pareille.

Atterré, il ne cherchait même plus à s’enfuir. Cela n’aurait d’ailleurs pas été possible, car les autres bambous, en rangs serrés, fermaient une ronde d’où sortaient des claquements pareils à ceux que font des mains rythmant une musique.

Le cercle se disloqua brutalement et de nouveau, dans une confusion indescriptible, ces tiges géantes se mirent à tourner autour de Servais mêlant chants, déboulés, clameurs, soté-maté.

Soudain, le silence! Lourd, interminable. La ronde se reforme. Une plante, une seule, reste au milieu. Elle pousse un cri de délivrance.

La lune alors, dans la majesté de sa plénitude, se place à la verticale et éclaire de tous ses feux la graine que le bambou vient d’expulser de ses entrailles.

Servais revient à la réalité. Il se rend compte que la richesse est là, à portée de sa main. Il se baisse. Il tend le bras. Il va attraper la graine. Il va enfin pouvoir sortir les siens de ce dénuement qui peu à peu les détruit. Vite! Encore quelques centimètres. il l’a!

Alors, dans une gigue inimaginable, les bambous lui tombent dessus. Le frappent sur le dot. Le frappent sur le dos. Le frappent sur les fesses. Le frappent sur le cou. Le frappent sur la tête. Et vim par ci! Et blo par là! Et blokoto kotésit! Et bip kotéla!

Le corps de Servais n’est plus qu’une vaste plaie. Il est tombé sur le dos, les coups ont continué de pleuvoir. Servais a perdu connaissance.

Quand, vers les trois heures du matin, sa femme inquiète vint à sa rencontre, elle trouva son homme à moitié mort, couvert de sang.

Elle dut aller chercher du renfort. On fut obligé de brancarder nostre homme sur un kapoufè. Personne ne comprenait ce qui avait pu se passer.

Cependant, la lune éclairait la touffe de bambous qui se trouvait toujours à la même place, doucement balayée par l’alizé, insensible à l’émoi des humains.

Quant à Servais il tomba dans un coma profond qui dura trente jours.

Trente jours de désarroi pour la maisonnée qui avait perdu son unique soutien financier.

Trente jours au cours desquels sa femme fit des aller-venir, des tourner-virer, des monter-descendre pour trouver un travail, un job, n’importe quoi qui lui permette de ramener un peu d’argent à la maison. Vaines recherches.

Trente jours d’angoisse aux cours desquels la famille, agenouillée autour de la statue du Christ, priait pour que l’arbre de vie ne soit pas détruit par un cyclone, une tornade, un incendie…: tous les espoirs de survie se cristallisaient désormais autour de l’arbre à pain.

Au matin du trente et unième jour, Servais se leva comme ça! fap! d’un seul coup!

Les cœurs se mirent à espérer.

Sans un mot, il se mit à vaquer à ses occupations habituelles. Tous le suivaient pas à pas, lui parlaient, l’interrogeait, attendant un mot de lui. Servais resta aussi muet qu’une anoli.

Il a perdu la parole depuis cette nuit fatale. Il se lève, s’habille et commence à driver dans les rues dès le premier chant du coq. Il rentre chez lui une fois que le soleil a chaviré derrière la montagne.

Mais, du matin jusqu’au soir, il marche.

Il marche yeux baissés, scrutant le sol. Chaque fois qu’il a repéré une pièce de monnaie, rarement un billet, il se baisse, ramasse l’argent, le fourre dans sa sacoche, la même depuis vingt ans. Billets et pièces sont plus tard jetés pêle-mêle dans une malle et la nuit durant, Servais compte et recompte son magot. Il interdit à qui que ce soit de toucher à sa fortune.

«Pauvre Servais, termina Chabri,  il ignorait totalement que les choses ne se passaient pas comme ça. S’il s’était renseigné, il aurait su que dans de telles circonstances, l’être humain, par une préparation préalable, doit se trouver en parfaite harmonie avec la nature. A ce moment seulement, l’élément évoqué, plante, arbre ou autre, le reconnaît comme l’un des siens. Alors, tout simplement, il lui offre ce qu’il lui demande.»

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