Le roman frappant d’Amélie Nothomb

Поезд Париж-Ренн, полтора часа свободного времени. Открываю книгу, поезд трогается. Приезжаю в Ренн с прочитанной книгой. Полтора часа удовольствия. Целая жизнь, такая простая и такая сложная, на 168 страницах. Слова книги действительно ударяют в сердце. Все правдоподобно: одно событие тянет за собой другое, плетя полотно жизни. Событие — реакция — действие — результат. Удар — отражение — ответный удар. Удар в сердце — рана. Боль, а потом — уже ничего не страшно. Бей меня в сердце, я стану от этого только сильнее!

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Amélie Nothomb, «Frappe-toi le cœur» (extrait):

L’entrée au lycée changea sa vie. Pour la première fois, il y avait de nouvelles têtes. Diane repéra une jeune fille blonde au beau visage hautain. Karine lui dit à l’oreille : « Regarde-moi cette bourge ! » Elle portait une chemise blanche et un pantalon de flanelle grise, comme si elle avait dû obéir à quelque uniforme. Quand il fallut se présenter, l’inconnue parla d’une voix grave que Diane trouva d’une classe folle :

-Elisabeth Deux.

Des hurlements de rire saluèrent cette déclaration. Le professeur soupira :

-Votre vrai nom, mademoiselle.

-C’est mon vrai nom. Mes parents s’appellent Monsieur et Madame Deux. Et comme ils ne manquent pas d’humour, ils m’ont baptisée Elisabeth.

-C’est pour ça que tu te prends pour la reine d’Angleterre ? cria quelqu’un.

-Bravo, tu n’es que le 355e à me faire cette réflexion, dit-elle en souriant.

 

Diane ressentit quelque chose d’inconnu : son âme se dilata d’enthousiasme et d’admiration. Elle déplora ses 14 ans et demi qui ne lui permettaient plus d’aller simplement dire à Elisabeth : « On est amies, d’accord ? ». Il fallut consentir de longs efforts et braver des rebuffades. Chaque fois qu’elle lui posait une question, la jeune fille blonde répondait par monosyllabes.

-Ne t’obstine pas, lui dit Karine, on n’est pas de son monde. Qu’est-ce que tu lui trouves, à cette idiote ? Tu es amoureuse ?

-C’est ça, soupira Diane, les yeux au ciel.

Elisabeth venait de l’autre collège de la ville, beaucoup plus chic, où sa mère était professeur de mathématiques. Son père était premier violon à l’Opéra. Elle appartenait bel et bien à un autre monde et ne cherchait pas à le cacher.

-Ça ne te gène pas trop de fréquenter des bouseux comme nous ? lui demanda avec morgue un garçon de la classe.

-Pas plus que ça ne te dérange de côtoyer une altesse telle que moi, répondit-elle.

Diane restait ébahie face à des répliques de cette espèce. En effet, comment osait-elle espérer l’amitié d’une personne aussi exceptionnelle d’esprit et d’audace ? La vague affection qu’elle éprouvait pour Karine n’avait rien à voir avec l’élan qui l’entraînait vers Elisabeth. Elle savait que ce n’était pas de l’amour, parce que cela ne faisait pas mal de la même manière que sa mère. Le dépit de ne pas plaire à Elisabeth donnait seulement envie de se battre pour la gagner à soi.

Karine, qui verdissait de jalousie, lui dit que la place était déjà prise :

-Sa meilleure amie est la fille du chef d’orchestre de l’Opéra. Tu n’as aucune chance.

-Comment s’appelle-t-elle ?

-Véra, répondit-elle comme pour souligner la supériorité écrasante de la rivale.

A la sortie du lycée, Diane vit Elisabeth sauter au cou d’une grosse blondasse en s’écriant : « Véra ! ». Elle décida que rien n’était perdu.

Elle lui joua le grand jeu. A chaque pause, elle venait s’asseoir à côté d’Elisabeth. Un jour, elle venait s’assoir à côté d’Elisabeth. Un jour, elle lui dit, avec un sérieux extrême :

-Tu sais, le nuage de Tchernobyl ne s’est pas arrêté à la frontière.

-Pourquoi tu me parles de ça ?

-Notre espérance de vie est forcément amoindrie, à cause des radiations. Devenons amies.

-Je ne vois pas le rapport.

-Dans ce lycée, tu as toujours l’air de t’ennuyer. C’est dommage de gaspiller le temps d’une existence écourtée. Avec moi, tu ne t’ennuieras plus.

Elisabeth éclata de rire. Elles deviennent inséparables. Diane osa lui confier son secret. La jeune fille blonde l’écouta en silence et soupira. Elle finit par demander :

-C’est pour ça que tu habites chez tes grands-parents ?

-Comme il n’y avait plus d’omerta, Diane accepta l’invitation d’Elisabeth à venir chez elle. Monsieur et Madame Deux adoptèrent la nouvelle meilleure amie. Leur fille était enfant unique : « Tu es sa sœur », dirent les parents. Les adolescentes passèrent la nuit entière à parler. Diane eut le tact de ne poser aucune question au sujet de Véra, qu’on ne revit jamais plus.

Mamie se réjouit de cette toute nouvelle amitié :

-Enfin, tu te conduis comme une fille de ton âge ! Je vais pouvoir mourir tranquille.

-Tu n’es pas drôle du tout, répondit Diane avec fureur.

-En effet, elle n’était pas drôle : elle fut prophétique. Le lendemain, la voiture des grands-parents fut percutée par un camion dont le conducteur s’était endormi au volent : ils moururent sur le coup.

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